Construire pour les personnes, pas pour les portefeuilles : Leçons sur l’utilisabilité selon Henri Stern de Privy
Une exploration guidée par la conversation du parcours d’Henri Stern dans la création de Privy, centrée sur l’utilisabilité, le développement produit dirigé par les clients, et la transition de la complexité crypto vers un design véritablement centré sur l’humain.
- partners
Par Victor Zhou de Namefi — Octobre 2025
Introduction
Lorsque vous parlez avec Henri Stern, CEO de Privy (désormais intégré à Stripe), il devient évident que son approche de la construction dans la crypto n’est pas guidée par le battage médiatique, mais par les besoins humains.
Au cours de notre conversation, nous avons exploré comment l’utilisabilité est devenue le problème central que Privy a choisi de résoudre, ce que signifie « ne construire que ce que les clients demandent », et comment la vitesse, l’urgence et l’itération constante ont façonné le parcours de son entreprise.
De la confidentialité à l’utilisabilité
Lorsque Henri Stern a lancé Privy, la mission de l’entreprise était d’aider les développeurs à intégrer la confidentialité dans leurs produits. Mais il a vite découvert que la confidentialité n’était pas le problème le plus urgent — c’était l’utilisabilité. Les développeurs n’ignoraient pas la confidentialité par indifférence ; ils étaient tout simplement incapables de l’implémenter sans briser leurs propres produits.
Cette prise de conscience fut un tournant. Au lieu de se concentrer uniquement sur le chiffrement ou l’infrastructure, Henri et son équipe se sont orientés vers l’utilisabilité — créer des outils crypto qui sont invisibles pour l’utilisateur. Il ne s’agissait plus de résoudre des problèmes liés aux blockchains ou aux wallets, mais de résoudre des problèmes pour les personnes.
Ce pivot a finalement fait de Privy la fondation de produits comme friend.tech, où l’objectif n’était pas d’enseigner la crypto aux utilisateurs, mais d’en masquer la complexité.
Cartographier la frontière de l’utilisabilité
Henri voit l’évolution de l’utilisabilité dans la crypto comme un parcours en plusieurs phases. Les premières années étaient dominées par des barrières techniques : clés privées, frais de gas, connecteurs de wallets fragmentés.
D’ici 2025, il estime que ces obstacles ont largement été résolus — ou du moins maîtrisés. Les frais de gas sont devenus gérables. La création et la récupération de wallets se sont simplifiées. Le dernier goulot d’étranglement, selon lui, concerne les on-ramps — le processus permettant aux utilisateurs ordinaires d’entrer dans la crypto de manière intuitive et sécurisée.
Une fois les utilisateurs entrés dans l'écosystème, l’étape suivante consiste à leur fournir des outils financiers utiles : des wallets générateurs de rendement, des paiements fluides, et des applications basées sur les stablecoins qui combinent la familiarité du Web2 avec la puissance du Web3.
Pour Henri, la mission ne consiste plus seulement à réduire les frictions — mais à transformer la crypto en une infrastructure que les gens utilisent sans même s’en rendre compte.
Construire un produit guidé par les clients
S’il existe un principe qui définit l’approche de Privy, c’est qu’ils ne construisent jamais en silo. Chaque décision produit est ancrée dans une demande client réelle.
Le cadre d’Henri pour décider quoi construire est simple mais rigoureux :
- Parler constamment aux clients
- Identifier où ils sont bloqués
- Estimer la difficulté de résoudre ce problème
- Prioriser les idées les plus faciles à construire mais ayant l’impact le plus fort
Cette approche pragmatique permet à Privy d’avancer rapidement sans perdre le focus. C’est aussi ce qui les a rendus indispensables pour leurs clients — des startups construisant des produits grand public qui n’auraient aucun sens sans la crypto en arrière-plan.
Trouver les bons utilisateurs
Au début, Privy n’attendait pas les sollicitations entrantes. L’équipe contactait directement les builders — toute personne construisant un produit crypto destiné aux consommateurs. Ils envoyaient des messages aux fondateurs sur Twitter, demandaient des introductions via des VC, et proposaient de prototyper gratuitement des intégrations si cela signifiait qu’une équipe allait réellement utiliser le produit.
Cette démarche pratique et expérimentale a révélé un insight clé : les meilleurs clients de Privy n’étaient pas des « entreprises crypto » au sens traditionnel. C’étaient des applications grand public qui avaient besoin de la crypto pour exister — des produits sociaux, financiers ou créatifs où le Web3 n’est pas une fonctionnalité, mais un fondement.
Cette approche a transformé Privy en une couche d’infrastructure discrète mais essentielle, alimentant une nouvelle génération d’expériences crypto-natives.
Du chercheur au builder
Henri vient du monde de la cryptographie et de la recherche académique — un univers où la précision et la rigueur règnent. Mais diriger Privy l’a forcé à adopter une nouvelle identité : constructeur de produits et communicateur.
Il plaisante souvent en disant qu’on ne lui permet plus d’écrire du code, mais son intuition technique guide toujours sa manière de diriger. Elle lui permet de comprendre la complexité, d’évaluer les compromis, et de mener une équipe qui construit de manière sécurisée sans sur-ingénierie.
Cet équilibre — entre compréhension technique profonde et empathie produit — est l’une des plus grandes forces de Privy.
Le momentum plutôt que la perfection
Le parcours de levée de fonds de Privy reflète la même philosophie que son développement produit : avancer vite lorsque le momentum est réel. Avec des investisseurs précoces comme Sequoia, l’équipe d’Henri a appris à lever des fonds non pas sur la base de prévisions, mais sur celle du progrès.
Ils construisaient lorsque l’énergie était forte, itéraient rapidement et restaient proches de leurs utilisateurs. Leur confiance venait non pas de la prédiction du marché, mais d’un mouvement constant — écouter, construire et s’adapter plus vite que quiconque.
Le pouvoir de l’impatience
En repensant au parcours, Henri admet qu’il a été éprouvant. Construire dans la crypto signifie naviguer à travers la volatilité — du marché comme du moral. Mais l’une de ses plus grandes leçons est que l’impatience, lorsqu’elle est bien canalisée, peut devenir une superpuissance.
Beaucoup de fondateurs apprennent qu’ils doivent être patients, attendre que le marché mûrisse. Henri a choisi l’inverse. Il a avancé même lorsque le timing semblait mauvais — construisant pour un futur qui n’était pas encore garanti.
Cette urgence a fini par payer. Lorsque le marché a rattrapé son retard, Privy était déjà prêt — avec une infrastructure adaptée à l’adoption grand public.
Ce que les fondateurs peuvent apprendre
L’histoire d’Henri est une masterclass en focus et en adaptabilité. Les principaux enseignements sont universels, même au-delà de la crypto :
- Commencer par l’utilisateur, pas par la technologie. La brillance technique ne vaut rien si personne ne peut l’utiliser.
- Laisser les clients guider votre roadmap. Chaque fonctionnalité doit répondre à un besoin réel et exprimé.
- Avancer vite, mais avec intention. Le momentum s’accumule ; l’hésitation tue l’innovation.
- Contrôler ce que vous pouvez. Vous ne contrôlez pas le marché, mais vous contrôlez votre produit, votre équipe et votre rythme.
Le succès de Privy ne vient pas de la prédiction de tendances — mais de la construction avec conviction au milieu de l’incertitude.
Au final, la philosophie d’Henri se résume en une seule vérité :
La crypto devient réelle lorsqu’elle devient invisible — lorsque les gens l’utilisent non pas parce que c’est de la crypto, mais parce que cela fonctionne.